Il peut savourer. Sauter. Crier sa rage. Respirer. Enfin ! Au terme d’un duel d’une intensité rare, d’un combat de titans et d’un suspense insoutenable, Rafael Nadal a dominé Félix Auger-Aliassime et s’est imposé en 5 manches (3-6, 6-3, 6-2, 3-6, 6-3) et 4h21 de marathon, dimanche dans un Central bouillant malgré la fraîcheur du début de soirée. Un 8e de finale épique. Djokovic-Nadal ! Le choc tant attendu entre les deux monstres du circuit en quarts de finale aura donc bien lieu. Si Novak Djokovic n’a éprouvé aucune difficulté pour se défaire un peu plus tôt en 3 sets (et à peine 2h15 de jeu) de l’Argentin Diego Schwartzman, Rafael Nadal a lui souffert, face à un as nommé Félix Auger-Aliassime. Le jeune insolent de 21 ans a poussé le roi dans ses retranchements. À l’image du parcours en Ligue des champions de son club préféré, le Real Madrid – mené, malmené mais capable de renverser une situation compromise en quelques instants -, Rafael Nadal a tremblé, a tardé avant de trouver la parade. Les festivités qui ont suivi le 14e sacre des Madrilènes traînaient peut-être un peu dans les pattes du Majorquin qui a assisté au match au Stade de France samedi soir… « C’est la première fois de ma vie que j’assistais à une finale de la Ligue des champions, en plus mon équipe a gagné, j’ai passé un très bon moment, j’ai aimé, a confié le Majorquin après-coup. Mais je ne suis pas resté pour la fête car le match avait débuté en retard et il était tant que j’aille me coucher après le match. C’était bien.» Toujours est-il que les 14 ans d’écart entre les 21 ans du Canadien (il est né un 8 août comme un certain Federer) et les 35 ans de l’Espagnol (il fêtera même ses 36 ans le 3 juin) n’avaient jamais paru aussi flagrants que lors de ce premier set à sens unique. L’extra terrestre du tennis était devenu un humain. Dans les tribunes on scrutait attentivement ce fameux pied droit qui l’avait éloigné des courts durant de longues semaines en début de saison. L’Espagnol souffre du syndrome de Muller-Weiss. Une véritable épée de Damoclès qui peut s’abattre n’importe quand. « La douleur est toujours là et elle ne va pas disparaître maintenant », avait prévenu le Majorquin avant le tournoi parisien. En face, les frappes de Félix Auger-Aliassime tutoyaient les lignes. Lui le sublime. S’il n’avait jamais dépassé le 1er tour à « Roland », le numéro 9 mondial restait sur trois présences en quarts de finale (dont une demie à l’US Open) dans les tournois du Grand Chelem. Ses services étaient précis, puissants (flashés à 210 km/h), ses volées du velours. On ressentait déjà les secousses du tremblement de terre à venir, de l’élimination de Sa Majesté Nadal. Il fallait remonter à 2009 pour trouver la trace d’une élimination aussi précoce de Nadal dans son jardin parisien (en 2016 il s’était arrêté au 3e tour mais par forfait). Toni Nadal, un oncle écartelé L’exploit était proche. À portée de raquette. Mais l’homme aux 13 titres sur la terre battue parisienne n’est pas constitué du même métal que les autres joueurs. Sous les yeux d’un Toni Nadal, écartelé entre l’envie d’encourager son neveu, avec lequel il a remporté 16 tournois du Grand Chelem, et celle de supporter son poulain Felix Auger-Aliassime, qu’il conseille depuis avril 2021, « Rafa » renversa la situation. Ses défenses – à l’image de ce retour sur un smash pour breaker son adversaire au début de la 3e manche – écœuraient le Canadien. Le match entrait dans une autre dimension. Proche de la perfection. Aucun des deux protagonistes ne cédait la moindre parcelle de terrain et d’espoir à l’autre. Un terrible bras de fer. Se rendant coup pour coup jusqu’au bout d’une cinquième manche irrespirable, avec des retournements en pagaille, que Nadal empocha au filet. Sous l’ovation du public du Central conscient d’avoir assisté à un match d’anthologie. Nadal continue d’écrire sa légende sur l’ocre. En 112 matchs, il n’a jamais perdu un marathon en 5 sets dans son jardin. En quarts de finale, mardi, Novak Djokovic affrontera un survivant nommé Rafael Nadal. Ce sera leur 59e opposition, la 10e à Roland (7 à 2 pour l’Espagnol). « C’est un match très attendu, sourit le numéro 1 mondial. Quand le tirage a été fait, c’est ce que beaucoup de personnes se sont dit. Je suis heureux de ne pas avoir passé trop de temps sur le terrain moi-même jusqu’aux quarts de finale, en sachant que si je devais le jouer à Roland-Garros, c’est toujours une bataille physique, en plus de tout le reste, qui se produit. Donc, c’est un défi colossal, certainement le plus grand que l’on puisse avoir ici à Roland-Garros. Donc, je suis prêt pour cela. »