Akutuk, la tradition ancestrale de tambours d’eau

 

Native du Cameroun, Loïs Zongo pratique et enseigne la percussion aquatique avec son groupe « akutuk », nom tiré de cette tradition aussi vieille que le continent africain. Invitée à Loango en République du Congo pour un concert de tambours d’eau, en lien avec les cultures issues de l’esclavage, c’est avec joie que l’artiste nous a partagé le concept autour de cet art exclusivement féminin pratiquée à mains nues, et transmis de génération en génération de femme à femme au sein de la forêt camerounaise et jusqu’au-delà. L’objet étant de se connecter à son essence sauvage et sacrée, et de célébrer la vie tout en rendant hommage à la nature.

 

Asos : Bonjour Loïs, parlez-nous de l’akutuk, le tambour d’eau qu’est-ce que c’est ?

C’est une tradition musicale très ancienne, elle se pratique dans l’eau, ou dans la rivière. Il s’agit de percussions aquatiques pratiquées à mains nues, un savoir-faire ancestral qui célèbre les bienfaits des éléments de la nature.

Asos : Comment se pratique-t-elle ?

Elle consiste à faire rentrer les bulles d’air dans l’eau, et sur la profondeur ça raisonne comme un tambour. Le tambour peut adopter diverses configurations : il peut être composé d’un récipient rempli d’eau sur lequel flotte une calebasse frappée, l’eau peut être percutée directement par le tambour, ou bien elle peut se trouver à l’intérieur d’un tambour recouvert d’une membrane. Les matériaux utilisés et les formes du tambour varient selon les pays ou les régions, mais le point commun réside dans l’utilisation de l’eau comme médium pour produire un son étouffé évoquant les battements du cœur.

C’est une expérience unique au contact de l’eau, créant ainsi un moment de partage privilégié entre femmes. Et n’oublions pas que nos ancêtres utilisaient le tambour pour communiquer, implorer, célébrer et donc avec l’eau, c’est une continuité, mais aussi pour transmettre des informations relatives à certains événements de la vie dans toute sa complexité et subtilité.

Asos : Comment vous êtes-vous retrouvé dans cette culture ?

Déjà moi j’ai eu la chance de grandir dans une famille où j’ai pu recevoir cet enseignement. J’ai vu ma mère le pratiquer dans la rivière, et ça a piqué ma curiosité et elle était ravis de m’en apprendre les rudiments donc c’est pour ça que je pratique l’akutuk comme on l’appelle chez nous au Cameroun. Mais je n’avais jamais imaginé qu’un jour, je sortirai de la rivière pour le pratiquer sur scène. Et la transmission, c’est important pour faire vivre et survivre notre culture qui malheureusement aujourd’hui avec les réseaux sociaux s’effrite. Alors qu’on devrait profiter de ces outils pour transmettre.

Asos : Puisqu’il s’agit d’une forme d’expression musicale féminine, quels sont les sujets les plus abordés dans les percussions aquatiques ?

Je pense que la femme porteuse de vie, la femme source de vie, l’eau étant source de vie, c’est tout naturellement qu’elles étaient détentrices de ce rituel. Et à la base d’abord tous les problèmes que rencontre la femme, l’éducation, les violences faites aux femmes, le mariage forcé, la condition de la veuve et aussi et surtout l’amour.

Mais pour le reste du monde c’est assez récent et donc il faut réfléchir sur les outils, les nouvelles sonorités à associer pour toucher un plus large public et c’est ce que nous avons prévu déjà ce soir lors du concert à l’occasion du festival « Soul Power Kongo »

 

www.asos-mag.com

asosmag